La Petite Histoire des Rayures

 

 

Le croiriez-vous ! Même les motifs ont une histoire, et celle que les Rayures ont dans notre société occidentale est pleine d’ambivalence.                                              Allez ! C’est parti pour un petit tour au pays de la symbolique.

Temps de lecture 5 mn

La société occidentale et les rayures c’est une histoire d’amour à la « Je t’aime, Moi non plus ». Pendant très longtemps, la rayure est maudite et dépréciative, ainsi au cours des époques successives ne sera-t-elle sera jamais portée de façon neutre.  Que cela soit par obligation ou par volonté de se démarquer, on joue sur la principale qualité des rayures : Attirer l’oeil,  alors regardons ça d’un peu plus prés.

 L ‘Antiquité,

Les Grecs et les Romains ont peu de rayures dans leur mode vestimentaire, voire pas du tout. En revanche les Celtes affectionnent particulièrement les tissus rayés ou à carreaux qu’ils tissent eux même. Quand on sait le peu d’estime que les Grecs et les Romains portaient à ces peuples qu’ils appelaient « Barbares », on peut déjà y voir l’ostracisation qui va marquer les porteurs de rayures durant le Moyen-Age et bien après.

cdt image http://data.abuledu.org/URI/530b32c9   Ci-dessous le Costume grec (gauche) et romain (droite)

Le Moyen Age

Durant ces siècles, la rayure est assimilée au Diable et est réservée aux marginaux de toutes sortes : Les armoiries des bâtards, les robes des prostituées, les tenues de jongleurs, du bourreau, du condamné, du lépreux ou du Juif. Pourquoi cet usage ?

Petit aperçu de la mentalité médiévale

  • L’uni représente la perfection
  • Le semé représente l’ordre par son organisation régulière de petits objets tous identiques.
  • Le tacheté représente le désordre puisque les objets sont de formes diverses et de disposition erratique.
  • La RAYURE quant à elle est assimilée au tacheté mais en plus puissante dans la mesure où elle brouille complétement les cartes en rendant impossible la lecture d’un 1 er ou d’un 2sd plan.

Exemple :  le zèbre est-il blanc rayé noir ou noir rayé blanc ?

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Les musiciens et les jongleurs se confondent en une même profession au Moyen age. On remarque bien ici que les rayures sont larges, aux couleurs vives et horizontales

 Le Saviez-vous?

DIABLE, n’est qu’un des nombreux surnoms de LUCIFER (Lux Féra l’ange déchu « porteur de Lumière ») ou de SATAN (l’adversaire en hébreu).  Mais de ces 3 surnoms Diable est celui qui est le plus évocateur en ce qui concerne les rayures. En effet il est issu du grec DIABOLUS qui signifie  » qui divise, qui désunit ».

On comprend mieux alors comment les rayures pourraient être associées au Diable puisque comme lui, elle DIVISE, en ce qui la concerne, la surface de l’étoffe.

La Renaissance 

Les mœurs s’adoucissent et de diaboliques, les rayures deviennent juste le symbole de la servilité, de fait elles sont toujours dépréciatives mais au moins elles ne vous mettent plus au banc de la société.

C’est à la Renaissance que va naître une rayure positive celle de l’aristocratie qui débordera du vêtement pour s’étendre jusqu’à l’ameublement. Comment opère ce changement ? Par une simple rotation à 90° en passant de la rayure horizontale à une rayure verticale Comme si un simple changement de sens pouvait atténuer la négativité.

 L’époque Baroque va bouder les rayures dans leur ensemble, elles ne lui servent qu’à évoquer l’Orient et l’exotisme.

Livrée des serviteurs exposées au petit Trianon

Cette symbolique liée à la servilité existait déjà sous l’Antiquité et perdure dans le Moyen Age où apparait cette habitude pour les serviteurs d’arborer les couleurs des armoiries de leur seigneur ; phénomène qui annonce la livrée des grandes maisons jusqu’au XIXe siècle.

Le XVIIIe siècle

Ce siècle va voir revenir en force la rayure, montant de la paysannerie elle séduit la noblesse grâce à plusieurs changement intrinsèque au motif : les couleurs et la taille des bandes

  • En matière de couleur, exit les couleurs franches et le multicolore, on va voir apparaitre une juxtaposition de couleur tendres, ou une simple bichromie.
  • En matière de bande les grosses largeurs laissent la place aux lignes fines

 La proximité de la Guyane avec les USA explique peut-être pourquoi ses bagnards portent un costume rayé, quand en France il n’en est rien.

Source https://portrait-culture-justice.com/2015/06/tenues-vestimentaires-et-tatouages-de-bagnards-reperes.html

Mais la vraie mode des rayures ce sont les Révolutions Américaine et Française qui vont la mettre en avant.

De la cocarde aux drapeaux tricolores qui vont fleurir sur toute l’Europe. La rayure semble enfin s’être débarrassée de sa mauvaise réputation.

Enfin pas tout à fait !

Les tenues de bagnards américains de Pennsylvanie en 1760 seraient les premières à réassocier l’état de paria avec les rayures.  ; 

La casaque rouge du bagnard remplit cet office et s’il est condamné à perpétuité un bonnet vert le signale, (et une manche jaune pour les récidivistes) autant dire que le coté voyant reste bien présent.

Le XIX et XXe siècle

Il restait un domaine que les rayures n’avaient pas encore colonisé : les sous- vêtements. Ce sont très certainement, fin 19ième, la mode du sport et les premiers costumes de plage qui vont lui permettre d’envahir petit à petit ces surfaces. Jusqu’ alors tous les textiles qui touchaient la peau se devaient d’être blancs ou non teints. Or c’est comme si la rayure avait permis d’introduire de la couleur à petite dose un peu comme une demi-couleur. Dès lors, chaussette, pyjama et même les draps puis les serviettes vont peu à peu se couvrir de rayures

La rayure et les Marins

C’est par le décret du 27 mars 1858 que la Marine française rend obligatoires la rayure pour le matelot (l’uni étant réservé aux officiers). Depuis au moins le 17e siècle (tableaux de batailles navales) la rayure est attestée chez les marins, usage aux origines inconnues et aux hypothèses diverses qui vont de :

  • Rayures plus visibles : quand un homme tombe à la mer ou sur le bateau
  • Nécessité d’un vêtement de peau chaud et donc taillé dans de la maille tricoté où la rayure domine.

Conclusion

De nos jours la rayure n’est plus discriminante et elle a même su s’assagir au point de devenir un classique dans les chemises masculines. Toutefois selon sa taille et ses couleurs elle reste une marque d’exubérance au mieux, de vulgarité ou de mauvais goût au pire. 

En matière de symbolique des couleurs je ne connais pas de meilleur guide que Michel Pastoureau.

 

Cet article est entièrement basé sur ce petit livre que je vous recommande :

« L’étoffe du Diable »